La magie du spirituel et la force de la nature

Stéphane-Gosteli-Travel-DreamAksum, Danakil et Erta Ale (Ethiopie)

par  Stéphane Gosteli, Travel Dream, 01.2016

Pendant de nombreuses années, l’Ethiopie a été un synonyme de famine et d’insécurité. Depuis quelques années, la situation a bien changée. Je n’avais jamais entendu parler du désert du Danakil et spécialement du volcan Erta Ale avant une émission de Nicolas Hulot qui m’a fait découvrir cet endroit fabuleux. Ce fut un véritable « choc visuel » et depuis cette découverte, je me suis dit que j’irais un jour là-bas…..et ce jour est arrivé au début de l’année 2016. Comme le désert du Danakil est réputé pour être l’endroit le plus chaud sur Terre ainsi qu’une des zones les plus arides et stériles de la planète, le mois de janvier était une période idéale. Toute cette région se trouve à près de -100 m sous le niveau de la mer et le volcanisme y est très actif. La possibilité de participer à l’épiphanie orthodoxe à Aksum, un haut lieu religieux du pays, a encore enrichi mon programme. Mi-janvier 2016, je décollais donc pour Addis-Abeba, bien décidé à traverser ce désert inhospitalier pour découvrir le volcan Erta Ale ainsi que le peuple Afar.

 

De la capitale Addis-Abeba à Aksum

 

axum-ethiopiaAprès une escale et une nuit à Addis-Abeba, je quitte le climat tempéré d’Addis-Abeba (en effet, la ville est située entre 2300 et 2600 mètres d’altitude) pour me rendre à Aksum qui se situe à la même altitude mais présente un climat plus sec et chaud. J’arrive à Aksum le 19 janvier la veille de l’épiphanie orthodoxe.

L’Épiphanie est une fête qui a une signification différente pour les chrétiens d’occident et les chrétiens d’orient (orthodoxes). En occident, l’Épiphanie est l’adoration de Jésus par les mages. Dans les rites orientaux, la fête a pour objet le baptême du Christ dans le Jourdain qui a sanctifié les eaux. La veille de l’Épiphanie, après la liturgie, le prêtre bénit l’eau baptismale et asperge d’eau bénite l’assemblée. Le jeûne et l’abstinence sont obligatoires la veille de l’Épiphanie. Le jour de l’Épiphanie, le prêtre bénit l’eau des fontaines, des fleuves et même de la mer. Aujourd’hui encore, on sort des églises en procession pour accomplir ces rites. Dans la liturgie copte, il y a aussi la grande bénédiction des eaux.

Après une visite du marché, je me prépare pour la première procession qui part de l’église principale avec le livre sacré et l’emmène au bord du lac dont les eaux seront sacrés le lendemain. La majesté des différents protagonistes et les couleurs vives de ce défilé sont remarquables. Les spectateurs, chantent, prient et pleurent au passage de ces messagers. Le contact avec les Ethiopiens est très respectueux. Nous partageons la joie du moment avec une curiosité qui est égale de chaque côté de l’appareil-photo. Les Ethiopiens aiment sourire et la beauté de leurs visages illumine mes photos.

Le lendemain est le grand jour. La foule s’amasse autour du lac. La cérémonie démarre par la lecture du livre sacré avant que le grand prêtre aille tremper son sceptre dans l’eau du lac afin de la purifier. Ce mouvement provoque le plongeon abrupt de nombreuses personnes dans les eaux brunes du lac. Celles-ci, armées de bouteilles de plastique, font remonter de l’eau à la foule qui est alors aspergée du liquide sanctifié.

Après 5 minutes, une pompe est descendu dans le lac et l’arrosage devient de la foule devient plus efficace. Tout le monde reçoit sa ration de sainteté. Douché, évidemment les étrangers sont par jeu une cible de choix, je repars en ville afin de participer à un certain nombre de danses et quelques discours officiels. Les étrangers sont remerciés de leur venue mais franchement, c’était plutôt à nous de les remercier de nous avoir reçu si chaleureusement.

lalibela-ethiopia-timket-epiphanyLe jour suivant, je suis invité à participer à une cérémonie plus confidentielle où les étrangers ne sont normalement pas conviés. Mon guide Dawit Tesfay de la société Covenant Tours a pu m’obtenir une permission spéciale de la part du prêtre. Les chants se font entendre dans la petite chapelle et me font frissonner. C’est un moment de partage incroyable où le fossé de la religion et de la langue est totalement effacé.

De retour à Aksum et avant de prendre notre avion pour Mekele, nous sommes invités par notre guide Dawit à participer à une cérémonie du café officiée par sa femme.

Le café est une boisson sacrée en Ethiopie dont la préparation fait l’objet d’un véritable rituel. Tout d’abord, elle grille les grains de café verts sur un brasero dans une petite casserole à long manche. Une fois la torréfaction terminée, elle passe auprès de chaque invité afin de lui faire sentir le parfum du café. Ensuite, le café est pilé dans un mortier à l’aide d’un pilon (petit bâton en bois ou en métal). Le café ainsi moulu est versé dans la cafetière et le tout est chauffé sur le foyer jusqu’à ébullition. Nous dégustons ensuite ce délicieux nectar.

 

Destination Erta Ale

 

Après notre vol de Aksum à Mekele et une nuit courte, la grande aventure commence à l’aurore ! Nous quittons Makele sur les hauts plateaux pour entrer dans le désert du Danakil. Ce genre d’expédition nécessite le plus grand sérieux et le recours à une agence de voyage locale, Horizon Travels, ainsi qu’une logistique assez conséquente : Deux voitures 4×4 avec chauffeurs, un cuisinier, un guide local Afar et 2 policiers armés… sans oublier une réserve d’eau conséquente et du carburant.

Après 2h de route et la traversée de Abele, un village écrasé par la chaleur, la route asphaltée laisse sa place à une piste de caillasse. La végétation, déjà fortement limité à Abele, se fait également très rare. C’est un monde minéral que nous traversons. Parfois, nous traversons d’énormes champs de lave solidifiés. L’étape du jour nous emmènera à Dodom, le village le plus près du volcan Erta Ale, un des seuls volcans au monde avec un lac de lave permanent.

Après 2 nouvelles heures de route, la rocaille laisse sa place au sable. Vers midi, nous arrivons à Dodom au plus fort de la fournaise. Il y a de petits baraquements où l’on peut manger, se reposer et boire du thé avec des villageois afar.

erta-ale-ethiopiaNous quittons Dodom pour affronter les derniers kilomètres jusqu’au pied du volcan Erta Ale. Ce sont les plus difficiles, le véhicule ne dépasse pas les 15 km/h. Nous traversons des champs de laves impressionnants en étant ballotté dans tous les sens comme des pantins. Tout n’est que lave solidifiée autour de nous… Enfin, après 2 heures de piste dantesque, nous arrivons au pied du volcan. Nous sommes encore relativement loin du sommet mais la suite doit se faire à pied. Nous quittons le camp à 15h malgré le soleil qui tape fort. La montée n’est pas trop difficile, la pente est faible, le sommet ne culminant qu’à 613 mètres d’altitude mais la chaleur rend chaque pas lourd. Nous l’atteignons vers 18h et arrivé au sommet, je suis impressionné par le nuage de fumée orangé au loin. Après avoir bu un litre d’eau et repris mon souffle nous nous lançons dans la descente, un peu scabreuse de nuit, pour atteindre la caldeira à la frontale.

Woouuuaaahhoouu! Quel incroyable spectacle que ce lac en fusion qui change constamment. De la lave jaillit à intervalle régulier afin de rougir la surface noire de cette masse en fusion ! C’est véritablement l’enfer qui se déchaîne à nos pieds. Nous nous trouvons qu’à deux mètres de cette bouche de feu. La chaleur s’intensifie et les vents de souffre me giflent le visage à intervalle régulier. Le spectacle devant mes yeux me fait oublier toute crainte. Il n’y a pas de mot pour décrire ce qui se passe devant mon nez rougi de plaisir.

Après avoir profité quelques heures de ce spectacle unique et rare, il est temps de rejoindre le « campement » où nous allons passer la nuit, bercés par le vent et le bruit constant émanant du lac de lave. Je compte les éruptions et finalement je m’endors. Le lendemain, nous redescendons dans le chaudron afin de vivre le lever du soleil au bord du lac…. Moment tout simplement magique. Mes yeux s’embuent d’accomplissement et de chaleur intérieure. Après que le soleil soit apparu, nous prenons le chemin du retour et entamons la descente car il vaut mieux marcher lorsque le soleil n’est pas encore trop chaud. Nous rejoignons les voitures en 2h et engloutissons un gargantuesque petit-déjeuner pour nous remettre de nos émotions.

 

Ahmed Ela et le lac Assale

 

Nous reprenons ensuite la route pour Dodom puis pour Ahmed Ela. Cette portion du désert est beaucoup plus sableuse et le premier ensablement depuis le début du voyage ne tarde pas. Heureusement, notre véhicule peut venir en aide au véhicule suiveur qui transportait le chef et les soldats. Après six heures de route dans le sable et des lits de rivières asséchées, nous atteignons le petit village d’Ahmed Ela.

 

On en profite pour se laver dans une petite case prévue à cet effet avec un seau. C’est fou ce que ça passe bien après 3 jours de poussière, sable, chaleur, marche, etc… Une limonade bien fraîche procure aussi un grand plaisir après quelques jours où l’on ne buvait que de l’eau minérale chauffée par le soleil… Le bistro du coin est tenu par les militaires qui nous facturent le prix touriste … nous n’osons pas nous plaindre car nous ne sommes pas du bon côté de la kalachnikov.

Nous partons ensuite pour le lac Assale (ou lac Karoum) tout proche afin de voir le coucher de soleil. Celui-ci est situé à -115 mètres sous le niveau de la mer et il y fait très très chaud.

 

C’est dans cet enfer que travaillent les Afars, un peuple rude et fier. Ce peuple a pour seul ressource le sel du lac que les hommes extraient manuellement avec des outils rudimentaires. Par des gestes pénibles, ils entaillent l’épaisse couche de sel qu’ils soulèvent ensuite avec des pieux. Ensuite, ils forment des blocs de 10 à 12 kg qu’ils chargent sur des dromadaires. Chaque dromadaire transporte 100 à 120 kg de cet or blanc. Une longue caravane se met alors en route et après une marche de 6 jours à travers le désert et les montagnes, le sel sera vendu au marché de Mekele, situé à plus de 2000 m d’altitude dans la région du Tigré.

 

L’incroyable volcan Dallol

 

Nous partons à la découverte de Dallol, un site volcanique unique au monde résultant de l’écartement de la plaque arabique et de la plaque africaine. Le pied du volcan se situe à -130m sous le niveau de la mer, au plus bas de la dépression du Danakil. C’est également à Dallol que l’on relève les températures moyennes les plus élevées tout au long de l’année, soit près de 34,5 °C. Autant dire qu’il n’y fait pas froid et qu’une petite laine est superflue.

Pour arriver dans cet enfer, nous devons traverser en voiture la totalité du lac Assale, d’abord sur le sel puis sur une dizaine de cm d’eau, ce qui est complètement irréelle. La vitesse est réduite car tout contact de l’eau corrosive du lac avec le bas de caisse signifierait une panne assurée.

Après une courte montée nous arrivons au sommet. L’endroit est superbe, les couleurs vives. On y trouve des lacs acides aux formes surprenantes et au pH proche de 0 ainsi que des concrétions salines et sulfureuses qui témoignent de l’intense activité souterraine. Après deux heures passée sur place, il est temps de quitter cette étrange planète et de retourner aux véhicules.

De retour au village nous nous prenons notre repas de midi avant de nous rediriger vers les hauts plateaux et Mekele. La route sinueuse ne cesse de monter et traverse des paysages étonnants. Il faut parfois s’arrêter pour laisser refroidir les moteurs. Arrivés à Mekele, il fait déjà beaucoup plus frais en raison de l’altitude.

C’est dans cette ville que s’achève notre expédition en Ethiopie, un voyage décidément hors-norme qui a rivalisé de gentillesse, de sourires et de sites naturels sublimes.

 

L’Ethiopie vous comblera, Stéphane

 

 

 

Tags: , ,

Leave a Reply